mardi 6 novembre 2007

Don Quichotte ...

Le roman est construit en deux volumes. Le premier fut publié en 1605 et le second en 1615. En 1614 survint un Don Quichotte apocryphe, signé de l'énigmatique Alonso Fernández de Avellaneda. Pour cette raison, la deuxième partie contient plusieurs références à l'imposteur de Don Quichotte, et à son créateur que certains auteurs identifient comme Lope de Vega. Cervantès fait mourir son héros à la fin, pour qu'il ne soit jamais ressuscité par un autre Avellaneda.

Figurines représentant Don Quichotte et Sancho Panza
Cervantès déclare que les premiers chapitres sont tirés des « Archives de La Manche » et le reste traduit depuis l'arabe de l’auteur morisque Cid Hamet Ben Engeli, l'enchanteur qui tire les ficelles de don Quichotte tout au long du roman. L’intrigue couvre les voyages et les aventures de Don Quichotte et son écuyer Sancho Panza. C’est un Hidalgo (personne de naissance noble) qui est obsédé par les livres de chevalerie. Ses amis et sa famille pensent qu'il est fou quand il décide de devenir à son tour un chevalier errant et de parcourir l'Espagne sur son cheval, Rossinante, en combattant le mal et protégeant les opprimés.
Il passe pour un illuminé auprès de ceux qu'il rencontre. Il croit que les auberges ordinaires sont des châteaux enchantés et les filles de paysans de belles princesses. Il prend les moulins à vent pour des géants envoyés par de méchants magiciens. Il considère qu'une paysanne de son pays, Dulcinée du Toboso, qu'il ne rencontrera jamais, est l'élue de son cœur à qui il jure amour et fidélité.
Sancho Panza, son écuyer, dont la principale préoccupation est, comme son nom l'indique, de se remplir la panse, estime que son maître souffre de visions, mais il se conforme à sa conception du monde, et entreprend, avec son maître, de briser l'envoûtement dont est victime Dulcinée.
Aussi bien le héros que son serviteur subissent des changements complexes et des évolutions pendant le déroulement du récit.
Peu à peu Sancho Panza opère une métamorphose, et du lourd paysan qu'il était, il se transforme en un être plus éduqué, suscitant même par sa clairvoyance et la finesse de son jugement l'étonnement du peuple qu'il administre lorsqu'il est nommé gouverneur d'une île par le Duc et la Duchesse (Volume 2, chapitre 55). Don Quichotte, quant à lui, reste invariablement fidèle à lui-même, il ne cède à aucune pression extérieure, il brave les archers de l'inquisition qui sont à ses trousses depuis qu'il a libéré les galériens (Volume 2, chapitre 22).
À la fin du deuxième volume, Don Quichotte, vaincu par le chevalier de la Blanche Lune (le bachelier Samson Carrasco), s'en retourne chez lui. Sancho le supplie de ne pas abandonner, lui suggérant de prendre le rôle de berger, souvent mis en scène dans des histoires bucoliques. Ayant abandonné la lecture de tout roman de chevalerie, il recouvre la raison et fait dès lors preuve de la plus grande sagesse, avant de mourir entouré de l'affection et de l'admiration des siens.
Les deux compères ont vécu ensemble beaucoup d’aventures, provoquant souvent de nombreux dégâts. Ils rencontrent, au cours de leurs pérégrinations, quantité de personnages qui délivrent une sociologie détaillée de l'Espagne du siècle d'or. On y voit défiler des criminels envoyés aux galères (sont-ce des Juifs poursuivis par l'Inquisition ?), des morisques sous le coup de l'édit d'expulsion de 1610 (Ricote, Ana Felix).
Don Quichotte est l'un des livres les plus lus au monde. Grand succès dès sa première édition, il a aussi fait l'objet d'une comédie musicale ainsi que de plusieurs adaptations cinématographiques plus ou moins heureuses.
Don Quichotte rompt avec la littérature médiévale et s'impose, par ses techniques narratives, par ses mouvements internes, par l'intervention même de l'auteur à l'intérieur de son texte, comme le premier roman moderne.

Moulins à vent à Campo de Criptana (La Mancha, Espagne)
Chaque époque a porté un point de vue différent sur le roman. À l'époque de sa première publication, il était considéré généralement comme un roman comique. Après la Révolution française, il fut populaire en partie à cause de son éthique : les individus peuvent avoir raison contre une société toute entière. Au XIXe siècle, il était considéré comme un commentaire social. Au XXe siècle il fut rangé dans la catégorie des classiques littéraires, et considéré comme un chef-d'œuvre précurseur.

Orthographe et prononciation du nom
Contrairement à une idée reçue, la prononciation Don Quichotte n'est pas une francisation du nom espagnol. À l'époque de Cervantes, le nom du héros s'écrivait Don Quixote avec un x ; et l' x se prononçait encore au XVIIe siècle comme le groupe consonnantique français ch. Le français Don Quichotte et l'italien Don Chisciotte ont donc modifié la graphie pour respecter la prononciation d'époque. Le portugais Dom Quixote, n'a pour sa part rien changé dans la manière d'écrire le nom du héros, car la prononciation portugaise de l' x, qui se conserve jusqu'à nos jours dans quelques mots, était égale à celle espagnole de cette lettre au XVIIe siècle : ch. Le titre espagnol est El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha, autant que le titre portugais est O Engenhoso Fidalgo Dom Quixote da Mancha. Dans quelques mots portugais, l' x se prononce comme ks (tóxico), ou bien comme z (exército) c'est à dire comme le z français, mais aussi comme ch, comme dans Quixote ou bien dans caixa. Par contre, en potugais la jota ne se substitue pas à l' x : elle a le même son qu'en français, c'est à dire j.
L'anglais a pour sa part modifié la prononciation tout en conservant la graphie d'époque. En espagnol, la prononciation de l' x est plus tard passée à rh (la jota espagnole, correspondant à une forme sourde ou non voisée de l' R français) qui au XVIIIe siècle a été écrit j, suite à une réforme de l'orthographe espagnole.
Ce qui modifia le nom en Don Quijote. (bien que l'ancienne prononciation ne se prête pas à un risque de mauvaise compréhension vis-à-vis d'un public non-habitué à la phonétique espagnole, contrairement à la prononciation moderne)

Autres regards

Michel Foucault
Don Quichotte par Gustave Doré
« Don Quichotte est la première des œuvres modernes puisqu'on y voit la raison cruelle des identités et des différences se jouer à l'infini des signes et des similitudes ; puisque le langage y rompt sa vieille parenté avec les choses, pour entrer dans cette souveraineté solitaire d'où il ne réapparaîtra, en son être abrupt, que devenu littérature ; puisque la ressemblance entre là dans un âge qui est pour elle celui de la déraison et de l'imagination. La similitude et les signes une fois dénoués, deux expériences peuvent se constituer et deux personnages apparaître face à face. Le fou, entendu non pas comme malade, mais comme déviance constituée et entretenue, comme fonction culturelle indispensable, est devenu, dans l'expérience occidentale, l'homme des ressemblances sauvages. (…)
À l'autre extrémité de l'espace culturel, mais tout proche par sa symétrie, le poète est celui qui, au-dessous des différences nommées et quotidiennement prévues, retrouve les parentés enfouies des choses, leurs similitudes dispersées. »
Michel Foucault, Les Mots et les choses, Paris 1966, éditions Gallimard, pp 62-63.

Jorge Luis Borges
Jorge Luis Borges publia en 1947, dans la revue Sur, un récit : « Pierre Ménard, auteur du Quichotte ». Il y décrit le destin littéraire d’un romancier qui recopie mot à mot et ligne à ligne le livre de Cervantès. Comparant le Quichotte de Ménard à celui de Cervantès, Borges prend pour exemple la phrase de ce dernier : « […] la vérité, dont la mère est l’histoire, émule du temps, dépôt des actions, témoin du passé, […] » Borges constate : « Rédigée au XVIIe siècle par le « génie ignorant » Cervantès, cette énumération est un pur éloge rhétorique de l’histoire. Ménard écrit en revanche : « […] la vérité, dont la mère est l’histoire, émule du temps, dépôt des actions, témoin du passé, […] » L’histoire, mère de la vérité ; l’idée est stupéfiante. Ménard, contemporain de Williams James, ne définit pas l’histoire comme une recherche de la vérité, mais comme son origine. […] Le contraste entre les deux styles est également vif. Le style archaïsant de Ménard – tout compte fait étranger – pêche par quelque affectation. Il n’en est pas de même pour son précurseur, qui manie avec aisance l’espagnol courant de son époque. » La parabole, l'"effet Ménard", permet ainsi à Borges de montrer qu'il existe une sorte de morale déceptive, qui ferait qu’un « beau style » ne pourrait à la fois être et avoir été.

Benoît XVI
Benoît XVI, «Teoría de los principios teológicos», publié en Espagne par Herder, "Théorie des Principes religieux", à propos de Don Quichotte :
Don Quichotte commence comme une bouffonade, une sorte de plaisanterie amère qui n’est pas du simple ressort de la fantaisie ou de la littérature. L’auto-da-fé que commettent le curé et le barbier, au chapitre VI, avec les livres du pauvre hidalgo ont un air de réalisme absolu : ainsi est liquidé le monde médiéval et la porte se referme irrémédiablement sur le passé. Par la figure de Don Quichotte, une ère nouvelle émerge… Le chevalier est devenu fou. Se réveillant des rêves d’antan, une nouvelle génération rencontre la vérité, nue, sans affectation. L’allègre espièglerie des premiers chapitres aboutit à une éclosion… Quelle noble folie dans celle de Don Quichotte qui élit une profession où la noblesse de la pensée, l’honnêteté de la parole, la libéralité des actes, la vaillance dans les réalisations, la patience dans le travail, la générosité avec les opprimés, et finalement le maintien de la vérité, bien qu’il lui en coûte la vie de la défendre ! La folie insensée se convertit en l’expression d’un cœur pur…Brûler le passé, voici l’heure de la synthèse. Aujourd’hui, le noyau de la folie touche le niveau de la conscience, cela coïncide avec l’extraction de la bonté d’un monde dont le réalisme se trompe…Il ne s’agit pas d’un retour au monde du temps de la chevalerie, mais de rester éveillés afin de ne jamais perdre de vue les dangers qui menacent les hommes quand, brûlant leur passé, ils perdent une part d’eux même…

Boris Mouravieff
Don Quichotte est présenté comme un personnage "qui s'acharnait à combattre de front les influences "A" sous toutes leurs formes et particulièrement celle de moulins à vent." Ce combat étant considéré comme vain et promis à l'échec ainsi qu'à l'épuisement des forces. (Les influences "A" sont les influences créées par la vie elle-même, qui forment la Loi du Hasard ou Loi de l'Accident, sous l'empire de laquelle est placé le sort humain. (Gnôsis t.1, Etude et commentaires sur la tradition ésotérique de l'orthodoxie orientale, p.134)

José Saramago
« Don Quichotte s'obstine à ne pas être lui-même, mais à être celui qui sort de chez lui pour entrer dans ce monde parallèle et vivre une nouvelle vie, une vie authentique. Je crois qu’au fond, ce qui est tragique, c’est l’impossibilité d’être quelqu’un d’autre.
On peut considérer Don Quichotte comme le premier roman moderne, mais son auteur n’est sûrement pas le premier narrateur moderne. Je pense que Cervantès n’a rien inventé. Il suffit de lire le premier chapitre du livre pour imaginer un monsieur qui s’est assis devant son public pour lui raconter une histoire : “Dans une bourgade de la Manche, etc., etc.” C’est le schéma du narrateur oral.
Don Quichotte ne meurt pas, parce que celui qui va mourir, c'est un gentilhomme, un pauvre hidalgo du nom d'Alonso Quijano. Selon moi, c’est un élément fondamental. Ce n’est pas Don Quichotte qui meurt, mais Alonso Quijano.
Don Quichotte est cet autre que nous ne pouvons être, et c’est pour ça que nous l’aimons. »
Daniel Serra, Jaume Serra, Cervantes y la Leyenda de Don Quijote, Espagne, 2004. Programmé en France sous le titre Cervantès et la Légende de Don Quichotte (Arte, 4 mars 2005).

Günter Grass
« Le noble chevalier, l’idéaliste, qui se bat contre des moulins à vent, le rêveur qui prend ses hallucinations pour la réalité, le fantasque, le maître et son valet, les pieds sur terre, le valet prosaïque. C’est un couple que nous retrouvons encore dans notre réalité, à la fois alliés et adversaires. C’est un duo qui résiste aux temps qui changent. »
Daniel Serra, Jaume Serra, Cervantes y la Leyenda de Don Quijote, Espagne, 2004.

Influences de Don Quichotte

Monument à Don Quichotte et Dulcinée au Toboso, en Espagne
Il existe quelques tentatives de suites de Don Quichotte qui ont été écrites en français : Histoire de l'admirable Don Quichotte de la Manche, de Filleau de Saint Martin et Robert Challe, et la Suite nouvelle et véritable de l'histoire et des aventures de l'incomparable Don Quichotte de la Manche, d'auteur inconnu.
L'influence de Don Quichotte est notable sur des personnages historiques comme Simon Bolivar ;
Le poète et romancier José Rizal, héros de l'indépendance philippine, a conçu son œuvre littéraire et politique en s'inspirant de l'idéal quichottien.

Exploitation
La communauté autonome de Castille-La Manche exploite la célébrité du roman de Cervantès pour faire la promotion du tourisme dans la région. Plusieurs sites ont un lien avec les péripéties, dont des moulins et une auberge où l'on dit que les évènements se sont passés.

Films et iconographie
Tableau de Honoré Daumier
Plusieurs films sont basés sur l’histoire de Don Quichotte, y compris:
Don Quichotte (1933), dirigé par Georg Wilhelm Pabst
Don Quichotte (1957), dirigé par Grigori Kozintsev
Don Quijote (1965), feuilleton télévisé dirigé par Louis Grospierre
Man of La Mancha comédie musicale américaine de Dale Wasserman dans les années 1960
L'Homme de la Mancha, adaptation francophone de la précédente, texte traduit et adapté par Jacques Brel qui l'interpréta sur scène à Bruxelles et à Paris en 1968.
L'Homme de la Mancha, adaptation cinématographique de la comédie musicale par Arthur Hiller en 1972
« Quichotte de Miguel de Cervantes, El » (1991) (mini), Dirigé par Manuel Gutiérrez Aragón.
Don Quichotte, par Orson Welles inachevé. Une version remise en forme par Jesus Franco fut présentée en (1992)
Don Quichotte (2000), dirigé par Peter Yates (Téléfilm)
Lost in La Mancha (2002) reportage sur l'impossibilité de tourner un film, d'après la tentative avortée de Terry Gilliam.
Don Quichotte inspira un grand nombre d’illustrateurs et de peintres dont Gustave Doré, Honoré Daumier, Pablo Picasso, Albert Dubout, Salvador Dali, Antonio de La Gandara, Raymond Moretti et Gérard Garouste.
Don Quichotte inspira aussi un dessin animé intitulé Don Coyote et Sancho Panda.

Musique

Don Quichotte par Gustave Doré
Don Quichotte a également inspiré les musiciens :
Don Quichotte (1897), poème symphonique de Richard Strauss.
Don Quichotte à Dulcinée (1932), trois chansons pour baryton de Maurice Ravel.
Chansons de Don Quichotte, écrites pour Chaliapine, de Jacques Ibert.
Don Quichotte (1910), comédie héroïque en 5 actes, de Jules Massenet.
L'homme de la mancha, de Jacques Brel
Moins connus :
Don Quichotte (1869), opéra d'Henri Boulanger.
Nouveau Don Quichotte (le) (1789), opéra de Stanislas Champein.
Don Quichotte (1829), opéra de Giuseppe Mercadante.
Don Quichotte (1874), opéra d'Émile Pessard.
Don Quichotte de la Manche (vers 1765), opéra de Niccolò Vito Piccinni.
Don Quichotte (1727), opéra de Giovanni Ristori.
Don Quichotte de la Manche (1771), opéra de Antonio Salieri.
Don Quichotte (1791), opéra d'Angelo Tarchi.
El Retablo de Maese Pedro (1923), opéra de Manuel de Falla
Trilogie Faust - Don Quichotte - Saint François d'Assise (1929), tragédie lyrique de Charles Tournemire.
Le chevalier errant (1946), épopée chorégraphique en quatre tableaux, textes d'Alexandre Arnoux, musique de Jacques Ibert.

Danse
Le chorégraphe français, Marius Petipa, a créé en 1869, un ballet en 4 actes , sur une musique de Léon Minkus. De nombreuses reprises ont eu lieu à partir de 1970, dont celles de Rudolf Noureev, alors directeur de l'Opéra National de Paris.

Célébration


L'Espagne et l'Amérique hispanophone ont fêté les 400 ans de cette œuvre majeure tout au long de l'année 2005. À cette occasion, un jeune montagnard espagnol, Javier Cantero, a gravi le sommet de l'Amérique latine, l'Aconcagua, culminant à 6960 m, en décembre 2005, afin d'y lire un passage de Don Quijotte de la Mancha.

Extrait de WIKIPEDIA

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